Lettre Bleue n°78 – “Avenir de la sécurité privée : Y’a qu’à, faut qu’on…”

Un vent de rébellion, toute proportion gardée, souffle sur la sécurité privée. C’est à qui aura le dernier pris la plume ou la parole pour dire combien il est urgent de changer la donne, de renverser la table, voire même d’engager l’unité !

Tous les supports sont utilisés, des plus classiques aux plus branchés. Tous, et même les plus discrets jusqu’à présent, s’y mettent, découvrant les joies des blogs et autres médias sociaux. Le dernier think-tank en date : le «Cercle», clin d’oeil triplement circulaire de son Président Michel Mathieu à son groupe suédois, y va de sa prose aussi. Beaucoup des constats faits sont justes, parfois pertinents. Mais aucun à ce stade ne dépasse le «Y’a qu’à, faut qu’on» ! Osons le dire puisque personne n’ose le prononcer : s’il faut avancer, avant tout il faut lever les obstacles aux avancées.

Ces obstacles, tout le monde les dénonce indirectement. Ils ont pourtant un nom et une fonction élective fraîchement renouvelée tant au niveau de la branche qu’à celui d’une soi-disante Fédération Métier(s) spécialement recréée pour permettre à son président, là aussi, là encore, d’être reconduit…voire d’y trouver refuge en cas de coup de grisou !

Personne n’est dupe, il s’agit uniquement, par tous les moyens, de garder un pouvoir personnel faisant fi de l’intérêt général mais sachant remarquablement faire croire le contraire ! Et pour conserver cette apparemment si précieuse sinécure, on se garde de joindre la parole aux actes. C’est là, la meilleure garantie pour durer. Tactique personnelle gagnante depuis des décennies qui trouve en chemin de multiples alliés et autres apparatchiks tout aussi attachés à conserver leur mandat, leur statut, leurs droits acquis, leurs prébendes…

Rien n’a été fait avec ce pouvoir là depuis des décennies. C’est ce que dénoncent en creux toutes les récentes chroniques… Mais alors pourquoi, comme Sécuritas France un temps retiré sur son Apennin, revenir dans le giron et faire allégeance à tout ce que l’on dénonce ? Pourquoi ne pas rejoindre le SNES ? Le SNES a fait sa mue, lui en toute clarté et annonce la couleur de l’urgence d’engager une nécessaire transformation du métier.

Que se passe-t-il à l’USP qui ne tient qu’aux cotisations des plus grands groupes opérant en France ?

On casse une proposition de garantie financière avancée par le SNES avant même d’avoir été au fond des choses, on tergiverse sur une médiation évidente pour améliorer le dialogue social encalminé, on participe du bout des lèvres à une médiation économique engagée par la DCS avec Bercy pour mieux la faire capoter… Pourvu que rien ne bouge…

Mais comme il faut tout de même, de temps à autre, donner le change pour amuser une galerie, notamment publique, si crédule, on fait un coup !

C’est ce que  vient de faire Claude Tarlet pour ne pas le nommer : en négociation de branche il annonce, sans consulter ses partenaires patronaux, sans consulter ses propres adhérents ni son CA et bien évidemment encore moins les leaders de la profession qui viennent de lui payer leur cotisation, une conséquente  augmentation salariale de 10%. Sans contrepartie ! « Oui, sans contrepartie » ont bien entendu les représentants des salariés qui se régalent….et devraient se contenter de décider quelle sera la méthode et le % de répartition sur 3 ans !

Mis devant le fait accompli, enfin l’effet d’annonce recherché, les leaders s’étranglent mais n’en peuvent mais. Le SNES comprend combien il a été une énième fois berné. D’autant que ce même  SNES, c’est de notoriété publique,  appelle de ses voeux depuis des années maintenant un vrai contrat social pluriannuel liant augmentation salariale significative…  jusqu’à 10 % sur 3 ans mais en contrepartie d’une révision et modernisation profonde la convention collective… Proposition torpillée jusqu’ici par… l’USP et ses alliés de circonstances !

Fort de son nouveau statut public protecteur de père sauveur de la nation salariale de la sécurité privée, quelle habileté mal utilisée il faut tout de même le reconnaître, l’impétrant peut alors jouir du spectacle des moineaux affolés et se paye même  le luxe de commencer un subtil  rétropédalage. Ce reniement de sa propre parole sera attribué aux méchants grands patrons capitalistes et au poujadisme du SNES. Il peut se dédire, car la partie est gagnée et il repart pour un tour protégé de l’extérieur par son habit neuf de Robin des Bois…

Affligeant et indigne spectacle d’un traitement par le petit bout de la lorgnette des enjeux professionnels considérables du moment. Mais il faut en croire tous vos yeux et vos oreilles ! Alors messieurs les chroniqueurs d’une (r)évolution tant attendue, qu’attendez-vous pour oser passer à l’acte et dégager les obstacles d’abord en les nommant ? La peur du vide peut être ? L’incapacité de prendre vos responsabilités  et d’assumer les charges de votre leadership ? La prudence tacticienne  qui vous empêche d’appeler un chat un chat ? L’avenir du secteur, pas de celui qui prétend l’incarner avec pour légitimité professionnelle une société au capital de 1000 euros, lui n’attend pas. Qu’attendez vous vous pour faire la révolution au lieu de vous contenter de constats aussi brillants qu’impuissants ?

Geoffroy Castelnau – Lettre Bleue n°78 – Avril 2018

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